You are here

Hilary Mantel : « Derrière chaque fait historique se cache une tout autre histoire »

Hillary Mantel in red background with book Wolf Hall

Vendredi 23 septembre 2022

Le monde littéraire est en deuil : l’incomparable écrivaine britannique Hilary Mantel s’est éteinte . Sa trilogie sur Thomas Cromwell (chancelier de l’Échiquier et secrétaire du roi Henri VIII) lui a valu une renommée internationale dès la parution du tome 1, Dans l’ombre des Tudors, en 2009.

Pour quelqu’un qui lit peu de livres sur la royauté, je dois dire en toute honnêteté que la fin du tome 1 (divulgâcheur : Anne Boleyn se fait décapiter, si vous l’ignoriez) m’a fendu le cœur. Là résidait en partie le talent d’Hilary Mantel.

Elle pouvait sonder l’esprit de ses personnages pour saisir leur vraie nature avec justesse, vous liant profondément à eux au fil de votre lecture.

Elle traitait de royauté comme aucun auteur ou auteure de fiction historique ne l’avait fait avant elle : en donnant une voix aux personnes de l’ombre; en décrivant les guerres de pouvoir et les machinations de l’histoire; en abordant le deuil, l’amour, la colère, la vengeance, ces thèmes intemporels. Elle écrivait avec émotion, mais aussi avec une précision, une clarté et une intelligence sans égal.

Hilary Mantel, comme personne et comme femme, était une véritable force de la nature. Elle complète une formation en droit et voyage abondamment avec son mari, puis se consacre à l’écriture sur le tard. En effet, elle a déjà plus de 30 ans lorsqu’elle écrit son premier livre et plus de 50 lorsqu’elle se fait connaître.

Elle parle ouvertement de son combat contre l’endométriose (pour laquelle elle a d’abord reçu un diagnostic de troubles psychiatriques) et de son infertilité. Elle réplique à ceux qui affirment que c’est grâce à son infécondité qu’elle a pu s’épanouir comme romancière : « Parfois, on essaie de me convaincre que cela m’a permis de me détacher du monde extérieur. Mais je préfère affronter le monde que la souffrance et toute l’incertitude qu’elle implique. »

Elle dénonce sans vergogne l’obsession de la société pour la famille royale d’aujourd’hui, nous rappelant qu’une « saine curiosité peut facilement se transformer en cruauté ».

Si vous souhaitez explorer son œuvre plus en profondeur, nous vous suggérons évidemment Dans l’ombre des Tudors, mais aussi Fludd, écrit plus tôt dans sa carrière (beaucoup plus court que la trilogie Le conseiller) ou Mantel Pieces, un recueil de ses écrits paru dans le London Review of Books au fil des ans.

Consultez la liste d’ouvrages ci-dessous explorant des thèmes similaires ou dont le style se rapproche de celui de la romancière.

Pour finir dignement, voici l’une des citations les plus exquises (à notre avis) d’Hilary Mantel :

« Le mot “cependant” est comme un diablotin enroulé sous votre chaise. Il appelle de l’encre supplémentaire pour former des mots que vous n’avez pas encore vus, et des lignes qui avancent à travers la page et dépassent dans la marge. Il n’y a pas de fins. Si vous croyez qu’il y en a, vous vous trompez quant à leur nature. Ce ne sont que des commencements. En voici un. »

Hilary Mantel, Le pouvoi