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Blogueuse invitée de la BPO – Stéphanie Plante – Succursale Rideau

This is a picture of OPL's guest blogger, Stephanie Plante

Lundi 30 avril 2018

Stéphanie Plante est une blogueuse invitée de la BPO et une grande défenseure des bibliothèques. En 2017, elle a visité avec son fils Ian les 33 succursales de la Bibliothèque publique d’Ottawa. Découvrez la BPO grâce aux billets réguliers de Stéphanie pendant toute l’année!

La succursale Rideau de la Bibliothèque publique d’Ottawa est particulière à bien des égards. L’une des plus vieilles bibliothèques du réseau, elle est nichée entre la Côte-de-Sable et la Basse-Ville et offre ses services à la fois à certaines des populations les plus privilégiées et les plus vulnérables d’Ottawa. Mon fils et moi nous y rendons plusieurs fois par mois : c’est notre succursale.

En raison de la diversité de sa clientèle, la succursale Rideau peut sembler soit intimidante soit accueillante. Chaque jour, on peut y voir les enfants de diplomates lire des livres dans leur langue maternelle, un retraité à faible revenu feuilleter un quotidien, une mère monoparentale se renseigner sur l’horaire de vaccination de la Ville d’Ottawa ou des étudiants de l’Université d’Ottawa le nez dans leurs notes de cours. Cette succursale sert de carrefour littéraire, de source d’informations communautaires et d’abri face au chaos de la rue Rideau. On y trouve des fauteuils poires comme des tables, pour ceux qui veulent travailler comme pour ceux qui veulent se détendre pendant quelques heures; dans tous les cas, à la succursale Rideau, on trouve toujours ce qu’on cherche.

En raison des différents visages qu’on y croise et de la démographie des quartiers environnants, cette bibliothèque a été le meilleur endroit où me réfugier en 2015. Chaque semaine, pendant que mon fils lisait des bandes dessinées dans la section enfants, je me plongeais dans des livres sur les penchants malsains et la codépendance. Je ressentais enfin un peu de stabilité et de sérénité pendant qu’à la maison, il n’y avait que du désordre et de l’aliénation.

À la succursale Rideau, j’ai trouvé des livres qui m’ont offert un refuge et une orientation, comme Le pouvoir créateur de la colère d’Harriet Lerner et, bien entendu, Mom’s House, Dad’s House d’Isolina Ricci. Il n’est pas facile d’établir des liens empathiques quand on affronte un problème aussi personnel que la dépendance, surtout parce qu’on garde ce problème secret depuis si longtemps qu’on n’arrive plus à distinguer ce qui est normal de ce qui dépasse les bornes. On devient très habile pour les justifications et le déni, au point où toutes les frontières deviennent floues. L’amour ressenti pour quelqu’un nous rend plus susceptibles d’ignorer ses comportements troublants ou de trouver des explications qui nous permettent de les éviter. En plus, on veut protéger sa famille et préserver les apparences. C’est aliénant et épuisant de constamment s’adapter aux humeurs, décisions et gestes de quelqu’un, mais pendant ces années, mes nombreuses visites à la succursale Rideau m’ont convaincue de la justesse du vieil adage des AA : plus on garde de secrets, plus on est malade.

Ce que j’ai préféré de cette bibliothèque, c’est que personne n’a posé de jugement quand j’empruntais ces livres. Maintenant, en les voyant dans mon historique sur le site de la BPO, ils me font l’effet de trophées.

Le 10 avril, à l’occasion de la journée nationale de reconnaissance envers les bibliothécaires, mon fils et moi avons reçu, lors d’une rencontre du conseil d’administration de la BPO, une plaque soulignant notre projet de visiter toutes les 33 succursales de la BPO en un an. Notre histoire personnelle est loin d’être terminée. Mais à une époque où ma vie était pleine de rage, d’humiliation, de peur et de confusion, la BPO a été pour moi le meilleur endroit pour continuer de l’écrire, cette histoire, et pour établir des liens avec les autres. C’est toujours le cas maintenant. Tous les jours, je suis reconnaissante de ce que la BPO a fait pour moi dans ce cheminement continu. Elle a été un peu comme un ami ou une deuxième maison.