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50 ans de fierté : une rétrospective de la littérature LGBTQ+ des cinquante dernières années

Jeudi 12 août 2021

Il y a cinquante ans se tenait au Canada We Demand – « On exige » –, la première grande manifestation pour les droits des personnes queer. C’était en 1971 : des militants ont marché en nombre jusqu’à la colline du Parlement pour demander une réforme juridique et politique à l’égard des personnes queer. En 2021, le thème de la Fierté dans la Capitale est « On exige encore! ». Ce clin d’œil au passé est à la fois un cri de ralliement autour des questions qui touchent encore les communautés LGBTQ+ et un hommage aux avancées obtenues depuis ce mois de mars historique.

Afin de souligner ces cinquante années d’activisme queer au Canada, la Bibliothèque publique d’Ottawa est fière de proposer une rétrospective de la littérature LGBTQ+ des cinquante dernières années figurant dans sa collection.

De 1970 à 1979

C’est vraisemblablement dans les années 1970, à la suite des émeutes de Stonewall en 1969, que débute le mouvement pour les droits des homosexuels aux États-Unis et dans le reste du monde. Durant cette décennie, plusieurs œuvres majeures verront le jour et jetteront les bases de la littérature LGBTQ+ pour les générations à venir.

Par exemple, en 1971 paraît à titre posthume Maurice d’E. M. Forster, une histoire remarquable du fait que ses protagonistes, homosexuels, ont droit à une fin heureuse. Aux États-Unis, Rita Mae Brown publie son premier roman Molly Mélo, dans lequel elle dépeint le lesbianisme sans ambages. Plus tard dans la décennie, Armistead Maupin publie Les Chroniques de San Francisco, le premier tome d’une série de chroniques sur la vie des résidents de la ville éponyme. Sur la côte Est, l’auteur new-yorkais Andrew Holleran voit quant à lui son roman queer Le danseur de Manhattan publié pour le grand public.

Le monde des bandes dessinées n’est pas en reste non plus. C’est durant cette période que sort le premier numéro de l’anthologie Wimmen’s Comix de Trina Robbins, où l’on trouve Sandy fait son coming out – la première bande dessinée à mettre en scène une protagoniste ouvertement homosexuelle. Du jamais vu à l’époque!

De 1980 à 1989

Dans les années 1980, les communautés queer sont dévastées par la crise du sida. La flambée de l’épidémie attire l’attention des médias, puis du grand public. Un marché émerge alors pour les histoires des personnes queer (Nava).

En raison de l’intérêt que le sujet suscite, de nombreux livres de littérature jeunesse queer paraissent durant cette décennie. Par exemple, Annie On My Mind de Nancy Garden est l’un des premiers romans queer pour adolescents qui ne termine pas de façon tragique (contrairement au cliché auparavant habituel). Et on doit à Lesléa Newman le premier livre d’images queer Heather Has Two Mommies, en 1989.

C’est également dans les années 1980 que sortent des classiques de la littérature queer pour adultes, comme le texte d’Audre Lord Sister Outsider : essais et propos, une œuvre féministe révolutionnaire qui explore l’intersection des identités plurielles de l’auteure – à la fois noire, queer et femme. Citons également l’ouvrage fondateur La Couleur pourpre d’Alice Walker et Un jeune Américain d’Edmund White, tous deux publiés durant cette période, ou encore Les oranges ne sont pas les seuls fruits de Jeanette Winterson, publié peu de temps après.

Enfin, le paysage de la bande dessinée LGBTQ+ continue d’évoluer. Par exemple, en 1983, Alison Bechdel, une bédéiste lesbienne, sort sa série de bande-dessinée Lesbiennes à suivre, qui met principalement en scène des personnages queer et lesbiennes.

De 1990 à 1999

Dans les années 1990, on trouve de plus en plus d’ouvrages sur les identités intersectionnelles. Parmi les titres canadiens, citons Drôle de garçon de Shyam Selvadurai, La pivoine de Jade de Wayson Choy et Champion et Ooneemeetoo de Tomson Highway. Ces livres relatent l’histoire d’Autochtones et de personnes de couleur queer. Dans la même veine, le recueil d’essais du militant et auteur Eli Clare, Exile and Pride, explore la rencontre de l’identité queer et du handicap. Enfin, c’est durant cette décennie que sort le livre Stone Butch Bluesde Leslie Feinsberg, aujourd’hui considéré comme un classique de la littérature LGBTQ+.

Ailleurs, les livres queer continuent d’investir le marché de la littérature pour jeunes adultes; il en sort environ sept par an dans les années 1990 (Cart et Jenkins, xvi). Parmi eux, Hard Love d’Ellen Wittlinger, qui met en scène une femme ouvertement lesbienne et fière de l’être, reçoit le prix Michael L. Printz en 2000.

La maison d’édition Marvel Comics fait un choix audacieux en faisant sortir du placard l’un de ses superhéros (Northstar). Le bédéiste Howard Cruse publie quant à lui Stuck Rubber Baby, une histoire sur l’accession à la majorité d’un jeune homme gai fortement inspirée du vécu de Cruse – lui-même homosexuel –, qui a grandi dans le sud des États-Unis.

De 2000 à 2009

À l’aube du troisième millénaire, la littérature queer pour jeunes adultes connaît un véritable engouement : on assiste à une « explosion des romans LGBTQ+ pour jeunes adultes sous la plume de certains des auteurs du genre les plus prolifiques de notre époque » (Waters). Paraissent notamment la série Rainbow Boys d’Alex Sanchez, Boy Meets Boy de David Levithan, Keeping You a Secret de Julie Ann Peters et Ash de Malinda Lo. Citons également Empress of the World de Sarah Ryan, qui relate l’histoire d’une adolescente bisexuelle, et La face cachée de Luna de Julie Ann Peters, qui met en scène une protagoniste hétérosexuelle cisgenre qui découvre que sa sœur est transgenre. Il s’agit d’ailleurs du premier roman pour jeunes adultes avec une protagoniste transgenre (bien que certains aient critiqué le fait que l’histoire soit racontée par sa sœur cisgenre).

Au même moment, au Canada, de nouveaux auteurs font leur apparition. C’est le cas d’Ivan E. Coyote, une personne non binaire (Close to Spider Man; Bow Grip), de Darren Greer (Still Life With June) ou encore d’Emma Donoghue (Long courrier). Enfin, en 2005, la célèbre auteure de science-fiction Octavia E. Butler publie sa fiction d’horreur spéculative Novice, qui repousse les limites du genre.

Le répertoire de la littérature jeunesse s’enrichit également de titres LGBTQ+ comme The Family Book de Todd Parr. Dans Et avec Tango, nous voilà trois!, Justin Richardson et Peter Parnell illustrent et normalisent les familles de même sexe. Au même moment, Marcus Ewert et Rex Ray publient 10,000 Dresses, l’un des premiers livres dont le personnage principal est une personne transgenre.

Dans les bandes dessinées grand public est célébré en 2002 le premier mariage gai entre deux superhéros : Midnighter et Apollo. DC Comics publie également Gotham Central, qui met en scène Renee Montoya, une femme ouvertement lesbienne. En dehors des romans graphiques grand public, Mariko et Jillian Tamaki publient leur premier roman graphique, Skim; la bédéiste transgenre Sophie Cacmpbell publie la série Wet Moon; et Alison Bechdel publie sa bande dessinée autobiographique Fun Home, la première du genre.

De 2010 à aujourd’hui

À mesure que l’on approche de la période actuelle, de plus en plus d’auteurs commencent à explorer les identités queer en dehors des désignations « gai » et « lesbienne ». Citons notamment Nevada d’Imogen Binnie, qui raconte l’histoire d’une jeune punk transgenre vivant à New York; Redefining Realness, l’autobiographie de l’auteure transgenre Janet Mock; A Safe Girl to Love de Casey Plett, un recueil de nouvelles dont les personnages principaux sont des femmes transgenres; ou encore la série fantastique « silkpunk » Tensorate de Neon Yang, une personne non binaire, qui se déroule dans un monde où les enfants naissent sans genre.

La littérature pour jeunes adultes suit le même chemin avec des publications comme Pet d’Akwaeke Emezi, Celle dont j’ai toujours rêvé de Meredith Russo, l’autobiographie Some Assembly Required d’Arin Andrews, Ramona Blue de Julie Murphy, Let’s Talk About Love de Claire Kann et I Wish You All the Best de Mason Deaver, pour n’en citer que quelques-unes. La littérature pour préadolescents suit également la même tendance avec George(aujourd’hui Melissa’s Story) d’Alex Gino, Zenobia July de Lisa Bunker, Cattywampus d’Ash Van Otterloo, et Star-Crossed de Barbara Dee.

Dans le monde de la bande dessinée, les maisons d’édition grand public continuent de publier de plus de plus d’albums queer. Greg Rucka crée Batwoman – une superhéroïne lesbienne – dans l’album Batwoman : Élégie de DC Comics, tandis que Northstar (le superhéros des années 1990!) se marrie à son partenaire de même sexe dans les pages d’Astonishing X-Men. Des bandes dessinées comme Gumballs d’Erin Nations et Gender Queer de Maia Kobabe relatent quant à elles l’histoire de personnes transgenres, non binaires ou de genre queer. Les bandes dessinées queer pour jeunes lecteurs gagnent également en popularité avec, entre autres, la parution de Lumberjanes de Shannon Watters et Noelle Stevenson, Le Cercle du Dragon-Thé de Katie O’Neill ou encore Dans un rayon de soleil de Tillie Walden.

2021 et années à venir

Avant d’aller de l’avant, portons un regard sur le passé. Cette rétrospective témoigne de tout le chemin parcouru avant que des personnages et des voix queer s’implantent dans la littérature, mais ce n’est évidemment pas terminé. Avec son thème « On exige encore », la Fierté dans la capitale souligne à juste titre qu’il reste encore beaucoup à faire, comme le demandent les communautés LGBTQ+ et leurs alliés, pour avoir une représentation diverse et inclusive dans la littérature.

Nous vous encourageons à soutenir les œuvres et les auteurs queer en lisant leurs livres! Cet article ne présente qu’une toute petite partie de la collection LGBTQ+ de la Bibliothèque publique d’Ottawa. N’hésitez pas à consulter les nombreuses listes de la BPO pour glaner des idées de lecture et réserver un livre :

Bibliographie

CART, Michael et Christine JENKINS. The Heart Has Its Reasons: Young Adult Literature with Gay/Lesbian/Queer Content, 1969–2004 (Studies in Young Adult Literature Book 18). Scarecrow Press, 2006.

NAVA, Michael. « Creating a Literary Culture: A Short, Selective, and Incomplete History of LGBT Publishing, Part II. » Los Angeles Review of Books, 11 juin 2021. Sur Internet : lareviewofbooks.org/article/creating-a-literary-culture-a-short-selective-and-incomplete-history-of-lgbt-publishing-part-ii.

WATERS, Michael. « A Brief History Of Queer Young Adult Literature - The Establishment. » Medium, 26 janvier 2019. Sur Internet : medium.com/the-establishment/the-critical-evolution-of-lgbtq-young-adult-literature-ce40cd4905c6.

Capital Pride and Queer Lit at OPL: A 50 Year Retrospective
par MichelleCDlibrary

Fifty years ago, Canada saw its first large scale queer rights demonstration. In 1971, queer rights activists marched to Parliament Hill to demand legal and policy reform in what became known as the “We Demand” protest. In 2021, with a nod to the past, “We Still Demand” is the theme for this year’s Capital Pride . This theme is a rallying cry to the ongoing issues that still affect 2SLGBTQIA+ communities while also honouring the milestones met since this historic march. In recognition of these fifty years of queer Canadian activism, the Ottawa Public Library is proud to offer a retrospective of 2SLGBTQIA+ literary landmarks over the last 50 years that are available in our collection.